La soirée de la 87e cérémonie des Oscars de ce dimanche 22 février a pris une tournure sociale, féministe et militante avec entre autre, les discours de Patricia Arquette, Common et John Legend et Graham Moore. La première récompensée d’un Oscar de la Meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans Boyhood, a dédié son prix
« à toutes les femmes qui donnent naissance à tous les citoyens et contribuables de ce pays. Nous nous sommes battus pour l’égalité des droits de tout le monde, il est temps d’obtenir l’égalité des salaires et des droits civiques pour les femmes américaines ! »
En somme, recevoir un prix prestigieux, c’est bien mais recevoir un prix prestigieux et être payée le même salaire que son confrère masculin, c’est encore mieux. Ce discours fait écho au scandale du piratage informatique dont a été récemment victime Sony Pictures et qui a montré à quel point les actrices hollywoodiennes même oscarisées, sont moins bien payées que leurs homologues masculins. Le Public a appris par exemple même que Jennifer Lawrence et Amy Adams qui jouaient les premiers rôles dans American Bluff, ont été moins payé que Christian Bale, Jeremy Renner et Bradley Cooper, les autres stars du film. Son appel à l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes a largement été ovationné, notamment par Meryl Streep debout l’index en l’air suivie par sa voisine Jennifer Lopez.
« Plus une actrice vieillit, moins elle est payée. On appelle les pays étrangers à instaurer la parité mais on est incapable de l’établir aux États-Unis. C’est inexcusable. Il est temps que toutes les Américaines, que tous les Américains qui aiment les femmes, que tous les gays, que tous les citoyens de couleur pour lesquels nous nous sommes battus se battent pour nous », a ensuite précisé Patricia Arquette dans la salle presse.
Ensuite, le rappeur Common et le chanteur John Legend qui ont interprété le titre Glory, chanson pour laquelle ils ont reçu l’oscar de la meilleure musique de film pour Selma qui traite de la marche en faveur des droits civiques des Noirs de la ville américaine de Selma à celle de Montgomery en Alabama survenues en 1965, ont déclenché quelques larmes avec leur live et leur discours de remerciement. La chanson à l’image du film, évoque la lutte pour garantir le droit de vote à tous les citoyens américains.
« Nous avons chanté à Selma, sur le pont où a marché Martin Luther King. Jadis, ce pont était un symbole d’un pays divisé, maintenant il représente le changement. Ce pont transcende les races, les religions, les orientations sexuelles. Il relie ce gamin de Chicago qui rêve d’une meilleure vie à ceux en France qui se battent pour la liberté d’expression, en passant par ceux qui manifestent à Hongkong pour la démocratie », a déclaré Common.
Tandis que John Legend a parlé des bavures policières dont sont victimes plusieurs noirs américains :
« Le Voting rights act pour lequel se sont battus les gens à Selma, il y a 50 ans, est en train d’être violé dans ce pays. La lutte pour la liberté et la justice est encore une réalité. Il y a plus d’hommes noirs derrière les barreaux aujourd’hui qu’il n’y en avait en esclavage en 1850. Nous sommes avec vous et nous continuons de marcher ».
« Restez bizarres », a quant à lui, crié Graham Moore, lorsqu’il a reçu l’Oscar du meilleur scénario adapté pour le film The Imitation Game, une biopic sur Alan Turing, mathématicien génial et homosexuel persécuté.
« J’ai tenté de me suicider à 16 ans car je ne me sentais pas à ma place, je me sentais étrange et différent. Je me sentais exclus. Et me voici maintenant. Je voudrais dédier ce moment à tous ces jeunes dehors qui pensent qu’ils ne sont pas à leur place, qui se sentent étranges et différents, qui se sentent exclus. Je voudrais leur dire : Vous l’êtes. Restez étranges et différents, et quand ce sera votre tour d’être sur cette scène, s’il vous plaît passez le message », a-t-il ajouté.
Enfin Alejandro Inarritu, le réalisateur de Birdman a dédié ses statuettes à son pays natal, le Mexique empêtré dans la corruption et la violence :
« J’espère que nous aurons le gouvernement que nous méritons. » ainsi qu’aux Mexicains installés aux États-Unis, alors que Démocrates et Républicains se déchirent sur la régularisation des sans-papiers souvent d’origine latinos : « J’espère qu’ils seront traités avec le même respect que les immigrants qui sont venus dans ce pays au fil des siècles et qu’ils auront également la possibilité de participer à cette magnifique nation qui s’est bâtie sur l’immigration. »
Ces allocutions sont d’autant plus remarquables que les Oscars 2015 ont été au cœur de la polémique pour avoir dévoilé une liste de nominations manquant de diversité. L’hôte de la cérémonie Neil Patrick Harris a même fait une blague à ce propos dès son entrée sur scène :
« Aujourd’hui, nous honorons le meilleur Hollywood et le plus blanc (« whitest » en anglais), pardon… le plus brillant (« brightest ») ».
En 2012, une enquête du Los Angeles Times a révélé que les quelques 6000 membres de l’Académie des arts et sciences du cinéma, nommés à vie, était composée à 94 % de Blancs et à 77 % d’hommes.