« Avec qui voudriez-vous avoir des relations sexuelles brutales et haineuses ? », questionnait un groupe d’étudiants canadiens en décembre dernier sur une page Facebook où ils blaguaient également sur l’utilisation de chloroforme sur les femmes. La page incriminée a depuis été supprimée. Et pour cause, face à ces propos jugés sexistes, menaçants et méprisants envers les femmes, des nombreuses étudiantes ont porté plainte. Pour autant, la direction de l’université Dalhousie établie à Halifax en Nouvelle-Écosse, n’a pas pris de mesures disciplinaires contre ces étudiants, préférant régler la situation par l’intermédiaire de la justice réparatrice, un processus informel et confidentiel où les victimes et les auteurs d’un délit s’assoient pour régler leurs différends.
Ce ne qu’après la publication de la nouvelle dans les médias -ce qui a semé la controverse dans la communauté universitaire et la population en général- que l’université a décidé de prendre des sanctions. La direction a donc fini par annoncer le 5 janvier dernier, la suspension de 13 étudiants de quatrième année en médecine dentaire.
Richard Florizone, le recteur de l’université après avoir jugé ces propos « profondément offensants et complètement inacceptables », a écrit dans un communiqué que ces suspensions étaient nécessaires afin d’assurer un environnement approprié aux autres étudiants et aux patients qui fréquentent la clinique de médecine dentaire.
« Les propos exprimés sur Facebook sont profondément blessants, dégradants envers les femmes et complètement inacceptables. Notre communauté a été secouée par ces commentaires», a ajouté la direction qui s’est défendue de ne pas avoir renvoyé les 13 étudiants visés avant car les procédures devaient suivre leurs cours et qu’une décision ne pouvait être prise sans que tous les faits n’aient été examinés. Ces étudiants qui ne sont pour l’instant suspendus que des activités cliniques et non de cours, pourraient donc faire l’objet d’une exclusion de l’université et d’une radiation de la profession de dentiste à l’issue de cet examen plus approfondi.
Malheureusement, ce cas n’est pas unique à l’université Dalhousie mais relève « d’une question de société compliquée » comme l’a souligné Richard Florizone dans son communiqué. Ainsi, au printemps dernier, une étudiante de l’Université d’Ottawa dénonçait déjà dans les médias ce qu’elle appelait la « banalisation de la culture du viol » sur les campus d’universités canadiennes. Anne-Marie Roy, présidente de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa, avait reçu une transcription anonyme d’une conversation privée sur Facebook où était tenu des propos misogynes et sexistes la concernant. Elle avait décidé de la rendre publique, tout en précisant que les étudiants impliqués étaient en position de leadership. Selon elle, la plupart des étudiantes sur les campus se sentent trop intimidées pour s’opposer ouvertement au sexisme auquel elles font souvent face.
« Lorsque nous acceptons ces commentaires en disant qu’ils étaient peut-être involontaires, nous normalisons un problème systémique qui marginalise les femmes quotidiennement sur nos campus », a-t-elle souligné.
Ainsi, plus que jamais donc, la lutte contre la « culture du viol » bien ancrée dans les universités nord-américaines, reste une problématique importance aujourd’hui que les universités ne peuvent plus ignorer. Selon les données d’un sondage national, 70% des agressions sexuelles auto-déclarées au Canada sont des agressions contre des femmes, et près de la moitié le sont contre des personnes âgées de 15 à 24 ans. Quand aux États-Unis, les chiffres parlent d’une jeune femme sur 5 qui serait victime d’agression sexuelle à l’université et d’une adolescente sur 9 qui serait forcée d’avoir des relations sexuelles. Tout doit être fait véritablement pour endiguer cette dérive.